Suite à l’arrestation de Tahsin Khayat, propriétaire de la chaîne de télévision privée libanaise NTV (New Television), Reporters sans frontières met en garde les autorités libanaises contre d’éventuelles entraves à la liberté de la presse et demande à la classe politique de ne pas sacrifier le pluralisme des médias, notamment audiovisuels, sur l’autel de leurs rivalités politiciennes.
« L’arrestation d’un propriétaire de chaîne pour des motifs estampillés « affaire d’Etat » est une source d’inquiétude légitime, d’autant plus qu’il s’agit d’une première dans l’histoire du pays », a déclaré Robert Ménard, secrétaire général de Reporters sans frontières. « Si la chaîne n’a pas été interrompue, on ne qu’être vigilant et demander aux autorités la garantie que sa liberté sera respectée, quelles que soient les accusations portées contre son propriétaire et les règlements de compte d’ordre politiques ».
Tahsin Khayat, propriétaire de NTV et également homme d’affaires opposé au premier ministre libanais, a été arrêté, le 5 décembre 2003, sur ordre du procureur général militaire. Il a été relâché le lendemain et placé en liberté provisoire. Tahsin Khayat est accusé de « liens présumés avec Israël » et d’avoir « porté atteinte aux relations du Liban avec des pays amis ». Si d’après les autorités, son arrestation n’est en rien reliée à la couverture exhaustive par NTV d’une affaire crapuleuse, celle de la banque Al-Medina, certains observateurs s’inquiètent et des répercussions que pourrait avoir ce geste inédit sur la liberté des médias audiovisuels libanais, déjà fortement réduite depuis deux ans.
Reporters sans frontières rappelle que la chaîne NTV avait été la victime de la censure du gouvernement, le 1er janvier 2003. Sous la pression du royaume saoudien, le relais assurant la diffusion par satellite de la chaîne avait été coupé par le ministère des Télécommunications libanais, sur ordre du Premier ministre Rafic Hariri, afin d’empêcher la diffusion d’une émission donnant la parole à des opposants saoudiens.
Fin 2002, une autre chaîne privée, Murr Television (MTV), avait été définitivement fermée par la cour d’appel du tribunal des imprimés, faisant ainsi taire la seule télévision proche de l’opposition antisyrienne. Cette décision avait alors été jugée hautement politique par la plupart des observateurs.
Une réponse sur « Arrestation du propriétaire de la chaîne NTV »
Sanctions et intimidations pour la chaîne privée NTV – 17 décembre 2003
Dans une lettre adressée le 17 décembre 2003 au ministre libanais de l’Information, Michel Samaha, RSF a condamné l’interdiction faite à la chaîne de télévision privée New Television (NTV) de diffuser tout journal d’information et toute émission politique pendant une durée de quarante-huit heures, à compter du 16 décembre 2003 à 15h00.
« L’attitude des pouvoirs publics libanais envers les médias, notamment audiovisuels, est tout à fait regrettable. Quel est ce genre d’Etat qui pratique des campagnes de harcèlement à l’encontre de certains médias, allant jusqu’à prononcer une sanction aussi absurde que l’interdiction de diffuser des programmes d’information ? », a écrit Robert Ménard, secrétaire général de l’organisation. « Les interventions politiques de la Justice ou du gouvernement dans le secteur des médias se sont multipliées depuis la fermeture définitive de la chaîne Murr TV l’an dernier, réduisant le Liban à un piètre exemple en matière de liberté de la presse pour les pays arabes. En outre, ces entraves ont un impact désastreux sur le travail des journalistes qui se sentent de plus en plus surveillés et menacés par les autorités« , a conclu M. Ménard.
NTV a été accusée par le ministère de l’Information d’avoir violé la loi sur l’audiovisuel en diffusant une information « subjective » concernant le départ de l’une de ses présentatrices, Dalia Ahmad. Le 12 décembre, la chaîne avait mis en cause le chef des services de renseignements militaires syriens au Liban, le général Roustom Ghazalé, et le directeur général de la Sûreté générale libanaise, le général Jamil Sayyed, dans le refus de délivrer un permis de travail et une carte de séjour à la journaliste de nationalité soudanaise Dalia Ahmad.
Le 6 décembre, le propriétaire de NTV, Tahsin Khayat, a été arrêté par la justice militaire pour ses « liens présumés avec Israël », avant d’être relâché vingt-quatre heures plus tard. M. Khayat avait accusé des services de renseignements d’être à l’origine son arrestation, accompagnée de la confiscation de nombreux documents. Cette campagne de harcèlement contre la chaîne, connue pour ses critiques à l’égard du gouvernement, pourrait être liée à la couverture exhaustive par NTV d’une affaire crapuleuse, celle de la banque Al-Medina, mettant en cause plusieurs personnalités politiques du pays.
Reporters Sans Frontières
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